Biographie
De quel site, exactement, nous écrit
Geneviève Laffitte à travers ces pages
et ces images ?
Parler à autrui, ou l’écouter, ne s’apprend pas par des cours de langue, cela se découvre et se redécouvre sans cesse. Cela s’invente à chaque regard, à chaque rencontre.
Geneviève, toujours plus, est devenue être de langage, celui du corps qui convoite le monde et découvre la sensualité des rues et des déserts, celui de l’engagement pour ses contemporains où l’affrontement des forces qui nient l’humain côtoie la chaleur de la lutte avec ses pairs.
Ce langage s’est d’abord fait chair, acte et mouvement avant que de se dire. Il s’est éprouvé aux marches, des heures durant, aux petits musées qui se nichent dans les villages reculés de la terre des hommes et à tant d'autres moments humbles mais pourtant si forts.
Un langage engage tout l’être, il n’est pas
qu’un outil de communication. Il est le bain commun à tous les hommes et c’est pourquoi
il ne s’apprend pas.
Pierre Johan Laffitte,
avril 2014
Une longue liste de plages
Un jour en Uruguay, elle marcha longtemps, plusieurs heures, seule, sans rencontrer personne que l’Atlantique et quelques pêcheurs. Une plage sauvage au ciel plombé...
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... où elle écouta de la musique un peu, s’arrêta pour écrire sans doute, reprenant la marche pour laisser divaguer ses pensées, l’appareil photo pas même indispensable à cette paix profonde. La photographe mit de longues années avant d’en arriver à cette plage, à toutes ses plages. Dans leur surface et leur lumière, reviennent les plages de son enfance, celle de la Méditerranée à l’embouchure de l’Hérault où son père, quand arrivait juillet, montait le camping racheté au surplus américain au sortir de la guerre, et où toute la famille s’installait, trois mois durant, pour goûter enfin l’éblouissement et le sel.
Le site d’où parle Geneviève est une longue liste de plages. Plages de temps, longues durées laissées à l’advenue des rencontres, des idées et des émotions. Plages de lieux, aux coordonnées trouvables sur une carte, comme celle de la Projection de Peters qui orne son bureau, mais dont l’exacte vérité se trouve dans une cartographie aux dimensions hétérogènes, faites de temps, de sentiments et de rêves.
Les bruits du monde depuis longtemps
Dans un appartement de l’avenue Gambetta de Béziers, une avenue ouvrière qui remonte depuis la gare où partait travailler mon grand-père, un appartement sombre...
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... dont la seule fenêtre au ras du plafond donnait je crois sur le Jardin des Poètes qui dévale des Allées Paul-Riquet vers les rails et, par-delà la zone, le Canal du Midi, une petite fille de l’après-guerre ne pouvait s’endormir que sous les grésillements de la TSF, au bruit des voix de la radio. Le petit son du monde lui parvient toujours, dans sa retraite quand elle revient de voyage, d’un petit poste à portée de main, de café, de bricolage. Le reste du temps, le monde, elle part s’imprégner de ses odeurs, de ses lumières et surtout de ses regards.
Il aura fallu des années à Geneviève pour atteindre à cela, qui vaut plus que tous les rivages additionnés où elle a décidé d’accoster : la liberté de voir ailleurs comme autant d’ici, et de se soucier des gens d’ici comme s’ils étaient toujours neufs, et jamais prévisibles. Entre les deux, elle a bien dû se trouver, s’éprouver, se perdre et se rejoindre. Travailler dur, aussi, à transformer certaines fuites intimes en vérités enfin reconnues et apaisées. Au fur et à mesure que ses voyages se sont faits plus lents, son pas s’est libéré de toutes les cadences, de tous les ordres autres que ceux que l’on s’intime à soi-même ou auxquels on obéit au nom de l’éthique. Cela, elle en rêvait depuis des années. Des années durant, dans son quotidien d’enseignante auprès de jeunes défavorisés, son ouverture à l’autre avait accueilli le travail collectif d’adolescents, qui les fit renouer avec la valeur de l’existence, eux qui se sentent souvent des « vaut-rien ». L’éducatrice a retrouvé la voyageuse qui, après quelques années d’hiver, renaquit enfin du rêve de la petite fille endormie sous la TSF. Elle s’est ouverte à la rencontre, au hasard, à l’inconnu et aux inconnus, celles et ceux avec qui, sans parler leur langue ni rester prisonnière de la sienne, elle a lié parole.
Ce sont là toutes les strates, qu’il ne vous était pas nécessaire de connaître, mais dont la présence crée sa lumière propre, comme les différentes couches de peinture filtrent et produisent la lumière d’un tableau, et au travers desquelles se sont tracées les images et les paroles consignées ici, dans la mosaïque virtuelle construite par son ami Jean-Luc Théron.
Vous vous direz sans doute que ma partialité, dans cette présentation de Geneviève, est due au lien qui me rattache à elle parce qu’elle est ma mère… Vous aurez tort : c’est bien pire. Car celle dont je parle ici, c’est la plus ancienne de mes meilleures amies.
Une existence de carrefours
Plus précisément, Geneviève Laffitte est née à Béziers en juillet 1947. Elle a été enseignante spécialisée jusqu’en 2003, une carrière engagée dans la pédagogie coopérative...
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... et l’éducation populaire qui s’est achevée par trois mois de grève au nom des générations à venir. Sa passion du voyage et de l’engagement envers et avec ses contemporains, déjà forte, s’est alors déployée pleinement grâce à plusieurs rencontres importantes. Sur le front de ce qu’on appelle « l’altermondialisme » et de l’engagement citoyen et social, elle œuvre au côté de celles et ceux qui tentent d’inventer des formes non-homologuées de résistance, de travail, de vie et de création ; elle lutte contre les forces qui, particulièrement féroces depuis une quinzaine d’années, et férocement représentées dans sa ville natale, font honte à une certaine idée de l’humanité, de la République et de la société. La photographie, mais aussi l’écriture, le dialogue et l’action concrète sont les formes que prend cette existence de carrefours entretenus et de foyer ouvert à l’amitié sous tous ses visages. Parmi les plus lointains ou stigmatisés, mentionnons les reportages en Palestine, dans le Chiapas et chez les Roms relégués à la vie dans les immondices par la municipalité biterroise. La partie du site réservée aux reportages témoigne de tous ces liens de Geneviève Laffitte avec
son temps.
Mais plus généralement, il ne s’agit pas tant d’idéologie, à quoi on réduit souvent ceux dont on veut dévaloriser les positions, que d’éthique, c’est-à-dire de regard et de façon d’être. Chaque page du site en porte la trace. Ces pages sont nées de voyages. Les premières expositions remontent à 1999. Depuis elle en a monté près d’une trentaine.
En particulier, en 2005, elle a lancé le projet de multi-exposition Sur América. La Larga Noche hasta el sol, qui de par son ampleur et sa dimension multimédia, peut être considérée comme un lointain avant-courrier de ce site, qui fit entre autres l’ouverture du Visa Off de Perpignan en 2007, et dont vous pourrez découvrir la matière dans une section qui lui est particulièrement consacrée.