Accueil Geneviève Laffitte, un regard parmis d’autres

Rites funéraires chez les Toradjas

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C’est pour une vieille femme qu’ils font la fête.
  Elle est morte depuis plus d’un an et aujourd’hui, on célèbre
ses funérailles.

Les hurlements des porcs entravés qui se mêlent à la panique des buffles qui piétinent et glissent dans le sang de ceux qui viennent d’être sacrifiés devant eux par le sabre de l’égorgeur, font planer sur le pré une odeur de mort.
  Une odeur que je vais porter sur mois pendant quelques jours.
  Toute la journée les scènes orgiaques de dépeçage des bêtes vont s’ajouter à ces
scènes terribles.

Je regrette de ne pas avoir assisté aux danses, aux chants et aux prières des hommes et des femmes car les funérailles durent plusieurs jours et se déroulent aussi la nuit.
  Ces aspects de la fête m’auraient certainement offert des moments de répit dans cette violence où, par peur du geste, je redoutais de voir s’abattre le sabre sur la gorge
des buffles.

Île des Célèbes, Indonésie,
juillet 1997

 

Le défunt est "malade" tant que les funérailles n'ont pas lieu.
Quand on a réuni assez de buffles et de cochons pour les sacrifices, ce qui peut demander des mois, voire des années, les funérailles sont organisées.
Alors, le défunt est "mort".

Île des Célèbes,
Indonésie, 1997

 

Un village provisoire
est construit pour recevoir
les centaines d'invités
aux funérailles.
Une maison abrite le cercueil qui ne doit pas toucher le sol et sera emmené après la fête sur un brancard surmonté
de la toiture typique
des maisons
des Toradjas.


Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

À pas lents, des femmes invitées passent en procession au pied du cercueil et devant les maisons d'où l'on assistera au sacrifice des buffles.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

La codification des "offrandes" apportées par les invités permet de comprendre pourquoi une telle profusion :
-cadeaux pour le défunt ;
- règlement d'une dette envers le défunt ;
- dettes à venir pour la famille à qui l'on fait des avances pour
organiser
les funérailles.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Le sabre de l'égorgeur de buffles va rythmer la fête.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

À l'origine, les buffles n'étaient pas attachés
et étaient tués à l'aide
d'une lance.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Le buffle debout, l'homme lui tient la tête haute et abat son sabre sur sa gorge.
Le temps est interminable où l'animal agonise dans des spasmes de vie qui
s'en va, des râles rauques
et des flots de sang qui nappent l'endroit.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Sans perdre de temps, à la suite les uns des autres, on enfonce des bambous dans la jugulaire de l'animal pour récupérer le sang encore chaud avant qu'il ne coagule.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Sacrifice de dizaines de buffles pour accompagner le défunt.
Un compagnonnage, à la vie, à la mort.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Les bêtes sont écorchées et du haut d'une plate-forme, l'homme crie un nom et lance à celui qui s'avance un morceau de viande de buffle qui tombe souvent dans l'herbe, l'urine et sur les buffles agonisants.
La distribution obéit à des règles strictes du rituel :
on ne donne pas n'importe quel morceau à
n'importe qui.
La viande est crue, on la ramènera telle quelle à la maison après la fête.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Le sacrifice des cochons, moins spectaculaire que celui des buffles, a toute son importance dans les rites funéraires.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

À l'écart derrière
des haies de bambous,
on abat les cochons.
À peine morts, ils sont vidés de leurs viscères, de leur graisse et de leur sang.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

On remplit des bambous de viande, de graisse
et de sang...

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

... que l'on fait cuire dans les bambous.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Des bambous chauffés, on retire un hachis de viande rosée. Le cochon est mangé sur place.
Les bambous verts contiennent le vin
de palme.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Des dizaines de cochons sont sacrifiés.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Quand les carcasses sont vidées, elles sont placées sur des feux pour faire griller les peaux.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Se retrouver nombreux pour manger la bête sacrifiée, c'est renforcer
le lien social, c'est mettre
en relation la famille
et les autres, le mort
et les vivants.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

À travers les forêts de bambous et les rizières, le cercueil est transporté vers les falaises qui tiennent lieu de nécropole où sont enterrés les ancêtres.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Des tombes sont creusées à l'horizontale dans
le rocher.
Des porte-cercueils ont été abandonnés au-dessus.
Des marques de syncrétisme devant certaines tombes.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Dans la cosmogonie
des Toradjas, le buffle accompagne l'âme
et l'esprit du mort
vers l'au-delà.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Accrochés à la falaise, les erongs sont des cercueils creusés dans des troncs d'arbres et fermés par un couvercle en forme de toit des maisons toradjas.
Des sépultures endommagées et ouvertes laissent voir des crânes.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Erong très bien conservé, suspendu à la falaise.
Gravures apparentes
sur le bois du cercueil et
sur son couvercle.
Cette forme de sépulture est ancienne et elle est abandonnée par
les Toradjas.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Reconstitution de scènes familiales avec des enfants.

Dans une galerie naturelle de la falaise, des effigies, ou tau-tau, sculptées et habillées, représentent ici les défunts d'une même famille enterrés
à cet endroit.
Autant que possible, l'effigie doit
ressembler à la
personne qu'elle est censée représenter.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Des balcons sont creusés et aménagés dans la falaise pour abriter les effigies
au regard fixe et aux mains tendues, l'une pour donner, l'autre pour recevoir.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Sur les portes des tombes, le style des décorations rappelle celui des maisons.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

Chaque falaise
est la sépulture
d'une même famille.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997

 

La nécropole.

Du haut de la falaise,
les regards des morts
sur les vivants.

Île des Célèbes, Indonésie, 1997